Bernhard Schlink est né en 1944. Il partage son temps entre Bonn et Berlin, où il exerce la profession de Juge. Il est l’auteur de plusieurs romans policiers couronnés par de grands prix, et a notamment publié en France Le Liseur (du titre original Der Vorleser). C'est est un très beau roman d'amour, aussi captivant que bouleversant. Le lecteur est directement séduit par cette histoire qui mêle nazisme et amour réciproque hors du commun, mais également par son style.
Le livre : À quinze ans, Michaël rencontre par hasard, en rentrant du lycée, une femme de trente-cinq ans, Hanna, poinçonneuse de tramway. Il en devient l'amant. Pendant six mois, il la rejoint chez elle tous les jours, et l'un de leurs rites consiste à ce qu'il lui fasse la lecture à haute voix. Hanna est une femme très mystérieuse qui ne parle jamais de son passé, ni de son présent, au caractère très changeant. Ce qui trouble beaucoup le jeune homme, mais ayant tellement peur de la perdre, il n'ose lui en parler. Comme alors pour lui une longue période de mensonges vis-à-vis de sa famille, qui ne connait pas Hanna, mais également une période exaltante avec sa maîtresse. Cependant du jour au lendemain, elle disparaît, et ne lui donnera plus de nouvelles.
Sept ans plus tard, Michaël assiste, dans le cadre de des études de droit, au procès de cinq nazies et reconnaît Hanna parmi elles. Accablée par ses coaccusées, elle se défend mal et est condamnée à la détention à perpétuité. Mais, sans lui parler, Michaël comprend soudain l'insoupçonnable secret qui, sans innocenter cette femme, éclaire sa destinée, et aussi cet étrange premier amour dont il ne se remettra jamais.
Il la revoit une fois, bien des années plus tard. Il se met alors, pour comprendre, à écrire leur histoire, et son histoire à lui, dont il dit : « Comment pourrait-ce être un réconfort, que mon amour pour Hanna soit en quelque sorte le destin de ma génération que j'aurais moins bien su camoufler que les autres ? »
Ce premier amour le conduira très loin dans sa quête de la vérité, de la compréhension des êtres.
"Des années plus tard, je m'avisai que ce n'avait pas été simplement à cause de sa silhouette que je n'avais pu détacher mes yeux d'elle, mais à cause de ses attitudes et de ses gestes. Je demandai à mes amies d'enfiler des bas, mais je n'avais pas envie d'expliquer pourquoi, de raconter le face-à-face entre cuisine et entrée. On croyait donc que je voulais des jarretelles et des dentelles et des fantaisies érotiques, et on me les servait en posant coquettement. Ce n'était pas cela dont je n'avais pu détacher les yeux. Il n'y avait eu chez elle aucune pose, aucune coquetterie. Et je ne me rappelle pas qu'il y en ait jamais eu. Je me rappelle que son corps, ses attitudes et ses mouvements donnaient parfois une impression de lourdeur. Non qu'elle fût lourde. On avait plutôt le sentiment qu'elle s'était comme retirée à l'intérieur de son corps, l'abandonnant à lui-même et à son propre rythme, que ne venait troubler nul ordre donné par la tête, et qu'elle avait oublié le monde extérieur. C'est cet oubli du monde qu'avaient exprimé ses attitudes et ses gestes pour enfiler ses bas. Mais là, cet oubli n'avait rien de lourd, il était fluide, gracieux, séduisant - d'une séduction qui n'est pas les seins, les fesses, les jambes, mais l'invitation à oublier le monde dans le corps.À l'époque, je ne savais pas cela - si du moins je le sais aujourd'hui, et ne suis pas en train de me le figurer. Mais en réfléchissant alors à ce qui m'avait tant excité, l'excitation revint. Pour résoudre l'énigme, je me remémorai le face-à-face, et le recul que j'avais pris en me faisant une énigme disparut. Je revis tout comme si j'y étais, et de nouveau je ne pouvais plus en détacher les yeux."
Adaptation cinématographique : The Reader, par Stephen Daldry.
Chloé.
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